divendres, 17 de desembre del 2010

Suite et fin

Le voyage s'achève, mais tout ne se termine pas.
J'ai passé la dernière semaine à travailler très fort sur mon projet final, que j'ai finalement réalisé ce matin. Au menu:
- Apéritifs: sphrérification d'eau de tomate autour d'un tronçon d'anchois, sur pain toasté (je vous avais parlé du pan amb tomaquet y anxovas?); et un matò con mel revisité, comme le matò choisi est de pressure végétale, je l'ai posé sur une chip d'artichaut, un peu de miel de romarin et quelques grains de fleur de sel.
Entrée: Carpaccio de poulain des Pyrénées, lactaires délicieux confits, légumes marinés (très consommés ici), quenelle d'huile d'olive glacée.
Poisson: Changement quasi-complet. Lluçets à la romana de bière artisanale (fish and chip sans les chips), accompagné de sauce romesco et d'une mayo safranée : rouge et jaune, les couleurs catalanes lorsque 4 traits rouge sur fond jaune viennent remémorer les doigts de l'empereur franc taché du sang de Guifred le Velu. Petite salade colorée et basta!
Viande: Coulant d'agneau aux saveurs de pommes au four: citron et cannelle. Le coulant fonctionne très bien et donne un très bel effet. Servi avec une purée topinambours et pommes caramélisées.
Pré-dessert: Sphérifications de cava "Solide" et Grenatxa dulce, dans un sirop de verveine et gingembre.
Dessert: Torron crémeux à l'orange sur strudel, réduction de ratafia, crème glacée de ratafia, tuile à l'érable et "gravier" de sucre à la crème.
J'ai passé le test, très bien. D'autant plus fière que j'ai fini par tout faire seule. J'ai passé le test haut la main en servant ce menu à 8 des 9 juges qui m'ont choisi à la base comme première boursière, encensée par la critique (dans les juges il y avait un journaliste que a fait un éloge grandissime de ce menu et m'attribuant un 10/10!). J'aurai servi un repas à Joan Roca, mon nouveau héro depuis que j'ai mangé dans son resto mercredi, nouvellement Docteur Honoris Causis. Il m'a même serré dans ses bras, oui, oui!
Bref, bon souvenirs, mais très peu d'heures de sommeil dans les trois derniers jours. En deux nuits, j'aurai dormi beaucoup moins que ce que je dors normalement en une nuit... Et il me reste mes bagages à faire: Casse-tête à venir!

Petite note de conclusion...
Je pense que je verrai toute l'importance de ce blog dans les mois à venir, il me servira certainement de référence là où ma mémoire va défaillir. Faire tant de chose (dont 14000km) en moins de trois mois s'est beaucoup trop pour tout assimiler du premier coup. J'aurai besoin d'y revenir pour digérer cette information. Un peu malheureusement, j'ai choisi d'aborder ce blogue comme un carnet d'information, j'y ai donné mon opinion, oui, mais j'ai très peu souvent dérogé au monde de la gastronomie. Pourtant, j'ai vécu des évènements autres que j'aurais aimé partager, mais que je n'ai pas pris la peine d'écrire. J'aurais voulu vous compter la féerie des rues de Girone après la victoire écrasante du Barça sur le Real Madrid (0-5!), j'aurais voulu vous décrire certaines des personnes qui m'ont entourée, vous parler des problèmes économiques palpables, des élections, d'un "esprit catalan" plutôt indescriptible, le sublime d'un repas au Celler de can Roca (la boursière accompagnée d'un des grands amis du sommelier, ça donne un menu des plus spectaculaire accompagné de ~16 vins hallucinants dont je préfère ne pas savoir le prix). Mais pour écrire tout ça, il m'aurait fallu des journées de 36 heures et un ordinateur constamment à portée de main. Cette partie humaine cachée, c'est probablement la partie que je vous raconterai, ce sont les questions que vous me poserai, les anecdotes qui me reviendront en mangeant une pomme ou en buvant du vin...
Il est évident que je repars d'ici avec un bagage de connaissance inespéré, avec une vision plus étoffée de ce que devrait être la gastronomie, avec une éthique d'un produit et du travail que je cherchais. J'ai donc trouvé des réponses à des questions que je voulais me poser sans l'avoir fait, mais je ne sais pas encore à quoi me serviront ces réponses, cette philosophie. Serai-je une extra-terrestre lorsque je serai de retour dans le monde québécois de la gastronomie? Aurai-je des idées et des valeurs trop dérangeantes, trop demandante? Va-t-on me donner la possibilité de partager de ce savoir et ces idées? J'espère vraiment que je pourrai le partager à d'autres intéressés, sinon, c'est presque triste...
Pour finir, tout ne se termine pas parce que je reviendrai. C'est sûr, mais quand? Ça dépend de beaucoup de facteurs, dont celui du coût du billet d'avion... Les possibilités sont nombreuses, à commencer par le forum gastronomique mondial de Girone en février prochain. Suivra la St-Jean, le bureau du Québec à Barcelone m'a proposé de faire le repas de la prochaine St-Jean, à Barcelone. Suivra, au moins un stage au Celler de Can Roca, peut-être plus, peut-être aussi un stage dans un relais et château de la région, restaurant San Pau... Bref, la Catalogne m'ouvre ses bras et je compte bien m'y lover un peu.

dimecres, 8 de desembre del 2010

Bluefin

Samedi 4 décembre
La journée a commencé par la visite d'un marché Slow Food itinérant. Un marché Slow Food réunit des artisants de toutes sortes de catégories, principalement de nourriture. En plus de quelques maraîchers, il y avait un vendeur d'arbres fruitiers, un vendeurs de semences de légumes de plus en plus rares, une pâtissière qui ne travaille qu'avec du bio ou du "raisonné", une artisane savonnière, une sorcière (hrebes, baumes et essences médicinales), une tricoteuse, une recycleuse de vêtements, etc. Le grano dans toute ça splendeur, mais surtout des contacts directs avec les producteurs, des produits frais et verts. Comme l'effort écologique n'en est encore qu'à ses débuts ici, ces marchés sont un peu trop vu négativement comme un regroupement de hyppies. Les initiatives de ce genre s'implantent tranquillement alors que le pays regorge d'excellents produits artisanaux et écologiques.
Au marché, Pep m'a laissé entre les mains de Lola Puig, une chef d'un restaurant kilométre0, le Fort, à Ullastret, ultra-local et vert. J'y ai trouvé une bonne nourriture, un effort constant dans le traitement du produit, beaucoup d'amour du métier et un souci environemental et nutritif important.

Dimanche et lundi: travail sur le projet final.

Mardi 7 décembre
Port d'Amettla de Mar, province de Tarragone, 6h30am. Nous allons pêcher dans une pisciculture très peu commune, une grange de poisson située à 4 milles marines, à une demi-heure de la côte. La pisciculture se compose de 8 "granges", il s'agit en fait de piscine dont les murs sont des filets. Les poissons sont donc en cage, mais en pleine mer. C'est probablement une des pêches les plus responsable qu'il y ait: n'est pêché que le nombre de spécimens voulu, aucune autre espèce n'est maltraitée, pas de filets dérivants en jeu, pas de fonds marins détruits, ce poisson est nourrit seulement des poissons qui composent son régime normal en liberté, il est tué d'un seul coup à la tête, très peu de souffrance, etc. Le seul problème, c'est qu'il s'agit du thon rouge, une des espèces menacée de la planète, un des rois de l'océan en voie d'extinction à cause de la surpêche et de la consommation de nos jour mondiale. (Avant que le sushi devienne à la mode, le thon se consommait relativement peu en occident.)
Le groupe Balfego a un respect immense pour son unique produit. Faut dire qu'ils exportent près de 80% au Japon et que les exigences de ce pays sont plus qu'élevées: la bête doit mourir en un seul coup porté à la tête, sans avoir eu trop peur, pour éviter un dégagement d'adrénaline pre-mortem qui rendrait les chairs moins fermes. La chair doit avoir un certain pourcentage de gras (d'où l'alimentation à base de poisson frais ou congelé), et être bien foncée. Les filets sont absolument intacts, la bête est éviscérée dans les 5 minutes suivant sa mort et mise dans une eau glacée pour éviter la dégradation de la chair jusqu'à l'usine de préparation. On passe une tige de métal dans la colone vertébrale pour relâcher les nerf et éviter la rigor mortis et deux coup de couteaux sous les nageoires latérales pour évacuer un peu de sang qui nuirait aussi à la qualité. En moins de dix minutes, le géant passe de vivant à quasi près à l'exportation.
Comment faire pour tuer une bête de 400kg qui se déplace jusqu'à près de 75km/h, qui est dans l'eau, en ne visant que la tête?
Le bateau transporte 12 travailleurs: un scientifique qui vérifie que le travail est fait selon des normes de l'UE, que les poissons sont assez grands, etc; deux manipulateurs de grues (dont le capitaine) pour soulever ces géants et prêter main forte lors de l'éviscerage; un responsable des deux coups de couteaux sous les nageoires et de la tige de métal; trois qui éviscèrent, coupent la tête, découpent un morceau de la queue pour analyse de gras et de couleurs. Les 5 autres? Dans l'eau! Deux qui attachent les bêtes tués à la grue; deux qui rechargent; et un tueur. Trois des cinq ont des bombonnes d'oxygène et on ne les voit pas travailler du bateau. Le tueur travaille en apnée seulement, ne peut tuer un thon que par une balle dans la tête, mais pas plus loin que l'oeil pour ne pas toucher aux filets, il ne peut tirer que s'il est absolument sûr de son coup. Le bassin a 35m de profondeur, un vrai Jacques Mayol... qui sait viser! Sur 62 bêtes abbattues mardi, aucune faute.
De retour sur la terre ferme, nous avons pu suivre le traitement des thons jusqu'à l'emballage final. Les thons sont transportés réfrigérés jusqu'à la maison mère de l'entreprise, à moins de 10km du port. Là, les spécimens de queues sont arrivés avant les thons et un japonnais analyse la qualité du produit. À l'arrivé des thons, on leur coupe la queue et les ailerons, on recueuille un autre spécimen du filet pour voir la couleur et la texture (avec un tube de la largeur d'une grosse paille), on les lave très bien, en brossant l'intérieur, et on les prépare au voyage: boite de polystirène de la taille d'un tombeau, coussin d'air pour éviter qu'ils s'abîme en bougeant, papier sur les extrémités non-protégés par la peau, plastique, glace. Le poisson pêché hier est aujourd'hui au Japon.
Balfego commercialise aussi les joues et les coeurs. Tout ce que l'être humain ne mange pas va à une usine de transformation qui fera de la farine de poisson. Nous avons vu les congélateurs de poissons pour l'alimentation du thon: imaginez un "Costco" à -25 celcius...

divendres, 3 de desembre del 2010

Loup de mer

Jeudi 2 décembre
Un poulet avec un IGP: poulet de Prat. Un seul producteur: Manuel Torres. À 15minutes de Barcelone, à côté de l'aéroport, un avion toutes les 3 minutes. Ce ne sont pas tant des poulet que des coqs, des poules et des chapons. On chante les vertus de cette chair fibreuse et goûteuse, mais n'essayez pas de la rôtir au four comme n'importe quel poulet, vous obtiendriez une chair dure et sèche. Ce sont des poulets à ragoûts.
Une foire alimentaire sur le poulet et l'artichaut de Prat.

Vendredi 3 décembre
Lever à 5h30. Journée de pêche à la palangre, près de la côte. Petite définition: «Une palangre comprend une ligne principale sur laquelle sont attachés de place en place des bas de ligne ou avançons garnis d'hameçons appâtés. Cet engin de pêche peut donc être assimilé à une succession de lignes disposées à intervalles réguliers et mouillées pour quelques heures. Cette technique de pêche traditionnelle est considérée comme l'une des plus anciennes: avant d'être adaptée sur un bateau, elle était utilisée sur les grèves, notamment sur celles à marée. (...)Comme à la pêche à la ligne, dans la majorité des cas les prises arrivent vivantes à bord et si vous les traitez convenablement, en les éviscérant et en les conservant dans de la glace, vous présenterez sur le marché un produit de qualité, supérieur à celui d'autres techniques de pêche.» FAO (voir lien à gauche)
Ce matin, nous avons relevé deux palangres de 2km chacune. La pêche était moyennement bonne: ce n'est pas la meilleure saison. Nous avons pêché une trentaine de petit loups de mer, quelques sars, deux petits turbots et deux gros loups de mer. Ces deux derniers ont été directement transféré vivant à une grange d'alevins, ils serviront à la reproduction pour la pisciculture. Nous avons aussi rejeté à l'eau une raie vénéneuse, un autre petit poisson aux épines vénéneuses qui rend malade pour deux semaines, un truc qui ressemblait à une anguille mais sans en être une et un poisson sans valeur commerciale. J'ai pris de magnifique photos, mais je n'ai pas retrouvé mon fil...
Marc, le pêcheur que nous avons accompagner est lui aussi un vrai loup de mer, mais dans le sens humain du terme: 38 ans, pêcheur respectueux de son produit, accusateur de tous les grands filets de pêche de ce monde, plongeur et instructeur de plongée, pêcheur d'oursins. Comme passe temps principal: entraînement de ses plus de 300 pigeons voyageurs, passe temps secondaire: jardiner. Il rêve de découvrir la nature canadienne, particulièrement une certaine pourvoirie québécoise. Il ferait bien du troc: pêche en mer contre pêche en lac...

dimecres, 1 de desembre del 2010

Élucubrations

Officiellement, je devrais aussi vous parler de mon séjour dans la province de Lleida, d'une visite charmante dans une oliveraie qui fabrique une huile corsée et arômatisée, Pons, d'un repas généreux, comme toujours, en compagnie de 2 personne de Prodeca et de Pep, et de la découverte de l'entreprise Cal Valls, produits bios, qui va bientôt exporter au Québec. Bien... C'est fait, je vous en ai parlé, passons à autre chose.
À la fin de mon séjour ici (départ le 18 décembre), j'aurai un examen final: concocter un repas de quelques services (pas encore clairement défini) pour le panel de juges et quelques autres personnes (pas encore bien défini) à base des produits que j'aurai découverts ici. Un menu québéco-catalan qui se déroulera je-ne-sais-où, le 17 décembre (la date a changé 3 fois dans les 3 derniers jours).
Comme vous voyez, tout est très clair!
Voici donc une partie de mes élucubrations:
Le matò con mel (caillé de lait et miel) est un dessert typique d'ici. En outre, la Catalogne est un des rares endroits à fabriquer du fromage à base d'une pressure végétale, un genre d'artichaut sauvage. J'ai donc décidé d'utiliser ces deux concepts et de fabriquer un plat salé de matò, miel et artichaut. Je pensais à une entrée: farcir un artichaut de matò et le servir dans un bouillon miellé. J'avais l'intention d'épaissir ce bouillon et d'y créer une mosaïque à base de jus d'aliments colorés : hommage à Gaudì, à sa nature par la fleur d'artichaut et à ses mosaïques. Ultra-compliqué, long, il faut trouver l'épaississant parfait, la texture parfaite pour les couleurs, de belles couleurs, et faire une après l'autre les quelques trentaines d'assiettes. Je n'ai pas réussi à faire quoi que ce soit de beau, non plus de bon. Je ne ferai pas un anti-hommage, donc changement de plans. On m'a parlé de chips d'artichaut... Chips de coeur d'artichaut, matò, goutte de miel et fleur de sel: délicieux, je n'ai pas réussi à résister à la tentation de manger l'ensemble de l'oeuvre. Par contre, ce n'est pas une entrée, plutôt un amuse-bouche.
Entrée: Néant.
Plat de poisson: Utilisation du riz "à la québécoise". En Catalogne, le riz est un plat servi tel quel et non un accompagnement. Je l'utiliserai comme accompagnement. Parmi la variété de plats de riz typique, on retrouve souvent tous les riz noirs, colorés à l'encre de seiche. Pourquoi ne pas faire un riz noir, mais à partir de la pigmentation de l'olive noire? De plus, j'avais, dans mon dossier de candidature de bourse, proposé un plat de poisson aux couleurs du drapeau catalan: poivron jaune et tomate. Seulement, le poivron jaune n'existe quasiment pas ici, et assembler sur l'assiette quatre bandes rouges et cinq jaunes pour un banquet (petit mais quand même!), ça relève du miracle ou de l'échec. Par contre, les sauces sont toujours plus rapides à disposer sur une assiette. Une sauce rouge et une jaune? Vous pouvez être en désaccord, mais j'ai décidé d'utiliser l'agrume comme saveur complémentaire à l'olive et au poisson. Sauces donc à l'orange de Tarragone, l'une avec tomate, l'autre plus crémeuse. Les essais: 1er essai du riz, un peu trop gras (ce n'était pas une bonne idée de mixer les olives directement dans l'huile), mais ça s'arrange et la couleur était convaincante; sauce rouge, très bien, à refaire tel quel; sauce jaune, je n'avais pas de vin blanc, j'ai utilisé du matò plutôt que de la crème parce que le village était trop loin pour justifier le déplacement, je n'avais pas de fumet, mais mis à part tous les ingrédients remplacés par des ersatz, ça allait. Bon, faut voir avec les bons...
Il me reste à choisir le poisson et à penser à sa cuisson...
Plat de viande: aucun essai de fait. Sur l'idée du coulant de chocolat, et à partir du principe que presque tous les desserts catalans ont comme saveur cannelle et citron, et suivant l'habitude locale de mélanger salé-sucré, viande et poisson, fruits et viande: agneau braisé, servi dans un moule rond, avec un coeur de jus de viande aux épices et au citron, surmonté de morceaux de pommes qui seront cuites lors de la rethermalisation précédant le service. Dans ma tête c'est très clair et ça fonctionne parfaitement bien!
Pré-dessert: une des habitudes catalanes que je trouve particulièrement sympathique se réalise chaque fin d'année. Il est de coutume ici de manger à chacun des douze coups de minuit du commencement de la nouvelle année un raisin. Si l'on arrive à manger les douze raisins dans le laps de temps alloué par les cloches, c'est la chance assurée pour la nouvelle année. Je pense à intégrer ces douze raisins dans une grande tradition québécoise, probablement le plus grand choc culturel jamais vécu par mon papa: le jello. Si ça fonctionne, le but serait de faire 12 sphérifications, 6 de cava, 6 de vin doux de grenache, et de les emprisonner dans un aspic bien fait et bon (vanille? poivre rose? sechuan? miel de palmier?).
En dessert? Une crème de torron, servie sur un craquant de je-ne-sais-pas-encore, surmontée d'une tuile à l'érable(quand même!), avec probablement une crème glacée de ratafia ou de muscat.
Mignardise: faut voir...

Prochain épisode: corrections des élucubrations